Eux, les autres, le monde...

Prélude : Eux, les autres, le monde. (Je ne suis pas de ce monde. Ils sont le monde où je ne suis pas etc). Leurs sourires, complicités de matière sombre et vie m’outragent, me lacèrent...

Ils écoutent une musique que je n’entends pas, rient à des sujets qui me font frémir, ils comprennent des choses qui me restent absconses et sont sourds à celles que j’exprime. Eux, les autres, le monde, toujours trop futiles lorsque je gravite toujours trop pesants lorsque je lévite…
Eux la matière, eux le nombre, eux la vie, eux, les autres, le monde… Ils ingurgitent quand je vomis… La lueur narcose qui émane d’eux me suffoque d’une représentation que j’enfante dans le cri…
La confusion tangue entre les axes. Altière cruauté du doute, sourires irrévérencieux et insolents murmures. Ils sont "uns" je suis autre… eux, les autres, le monde… (Je ne suis pas de ce monde. Ils sont le monde où je ne suis pas etc).

Ils parlent cette langue que je perçois trop (acerbe) pour la saisir vraiment.
Mes yeux ne voient que l’invisible lien qui me maintient hors de portée des rires.
Anticorps misanthropes dans un maquis de rumeurs…

1er état de vie, désir de fusion: A tâtons sur le chemin inconfortable de la rencontre. Anachorète en retrait mais offert à tous sur les layons de l’abîme. Avancée inquiétante et anfractuosités. Tendre les bras vers ceux qui donnent à étreindre une désinvolte absence… Irriguer en déserts la désolation…
Chancelante vers eux, les autres, le monde… (Je ne suis pas de ce monde.Ils sont le monde où je ne suis pas etc).
Souviens-toi, le moi ourlé aux abords d’affres vitales, les premiers temps : "sospiro e gemo senza voler’, palpito e tremo senza saper’… Voi che sapete"… Désir-fusion émoussé dès les premiers contacts… (Je ne suis pas de ce monde. Ils sont le monde où je ne suis pas etc).

2ème état de vie, le combat: Dans la haine, aligner sur le mur les adversaires nommés, insultés.
Aucune satisfaction pour eux d’entaille à mon endroit, je n’ébrècherai pas davantage la dépouille lisse des autres…
Eux, les autres, le monde, à cette seule évocation, frémit en moi le char galopant sur les flots bien réels. Fracas qui leur donne une splendide démesure, une monstruosité étrangère aux compromis-dialogue…
Rugueuse la voix qui scande le malaise éjectée de sang : eux, les autres, le monde (Je ne suis pas de ce monde. Ils sont le monde où je ne suis pas etc).

3ème état de vie, l’exil : Friable réconfort d’agonies étoilées.
Inique monde qu’un Christ s’est vu refusé en déniant l’embraser. Le monde et mes laboratoires, panoramas fantasmatiques, sciences fictions d’autrui…
Emprunter des charmes qui leur ressemblent, eux, les autres, le monde (Je ne suis pas de ce monde. Ils sont le monde où je ne suis pas etc)

4ème état de vie, la révélation : Stupeur ! Les autres ne sont pas le monde, ou s’ils sont le monde où je ne suis pas, je suis le monde où ils ne sont pas…

Ni le nombre, ni les complicités, ni le reflux de sereines entendes ne font bloc… Eux, les autres, le monde cherchent aussi le monde…
Regarde ! Regarde, tu as tout inventé ! Les secrets divulgués, énigmes confondues, sources corrompues, des vertiges lucides, aux promesses d'ablomb, la ligue soudée contre l’adversité, les mensonges fictions porteurs de vérités, éternités passagères et malsaines alliances….
Même le prophète profus qui refuse de transmettre la parole…
Regarde, ta matière cousue, ta matière de vide, regarde, nul charognard velu ne se repaît de tes globes oculaires.
Regarde, il n’y a rien… Regarde, entends, comprends : Ce que l’on nomme "monde" pour s’alléger de la souffrance d’y être entièrement circonscrit et entièrement exclu, est cet abstract inaccessible. Le monde Est le monde n’est rien…
Miroir verbal qu’un aliéné planta pour voir dans les tréfonds du vide. Beauté et horreur auquel on prête d’évanescentes œuvres, contours flous et substance usurpatrice. Une stèle perdue dans un désert pour un souffle de sable et vent…
Monde dérobé à tous, mais tremble d’entendre un vocable qui seul conduit l’image… Eux, les autres, le monde, ( Je ne suis pas de ce monde. Ils sont le monde où je ne suis pas etc ).

Postlude : (Je ne suis pas de ce monde. Ils ne sont pas le monde où je ne suis pas).
Car Frères et Sœurs nous ne sommes ni de sang, ni d’espèce, ni de peuple ou religion.
Frères et Sœurs nous ne sommes que d’esquisses qui n’ébauchent rien.
Frère et sœurs surtout d’une même mort, bien plus que d’autre chose… Eux, les autres, moi, le monde (nous ne sommes pas de ce monde. Nous ne sommes pas le monde où le monde n’est pas)

Point d’orgue : prodigieuse union et Naissance posthume.